Le sacrifice de « Moi », et la renonciation ne sont pas des gestes de noblesse qui sont dignes d’éloge ou d’exemple. Nous possédons, toutes sortes de choses matérielles, car sans possession nous ne sommes rien. Les possessions sont, bien évidemment, multiples et variées.
La personne qui ne possède pas de biens matériels peut être attaché au savoir ainsi qu’aux idées. Quelqu’un d’autre peut, lui, être attaché à la vertu, à l’expérience du monde, un autre à la renommée, ainsi de suite… Sans possession quelconque, le Moi n’existe pas ; le Moi est la possession, la vertu, le mobilier, le nom. Dans la peur de n’être rien, l’esprit se rattache au nom, au mobilier et à sa valeur. Il y renoncera afin d’atteindre un niveau supérieur, plus haut et plus gratifiant, plus permanent.
La peur de n’être rien, de l’incertitude, conduit donc à cet attachement, à la possession. Lorsqu’elle est insatisfaisante, ou encore qu’elle devient doulourese, on y renonce au profit d’un attachement plus agréable. La possession ultime, de tout être, la plus gratifiante, est le mot Dieu, ou son substitut dans la société ; l’Etat.
Tant que nous ne souhaitons pas être rien, ce qu’en fait nous sommes, nous engendrerons immanquablement souffrance et peine. Accepeter de n’être rien n’est pas une affaire de renonciation, d’obligation qui soit intérieure ou extérieure, mais de voir la vérité de ce qui est. Voir la vérité de ce qui est libère de la peur et de l’insécurité, cette peur qui engendre l’attachement et conduit à l’illusion du détachement, du renoncement.
L’amour de ce qui est est le commencement de la sagesse. L’amour seul partage, seul il peut communiquer ; mais le renoncement et le sacrifice de soi sont les voies de l’isolement et de l’illusion.